Éviter la mort sans négliger la vie!
J'ai le goût et l'élan d'écrire depuis quelques semaines, de dénoncer des aberrations moi aussi. Mais tout a-t-il été dit??? Nous sommes exténués, fatigués d'entendre parler de cette foutue pandémie. Allais-je en ajouter?
Avant d'écrire ce billet, j'attendais une première démonstration de ce que j'appréhendais et que plusieurs d'entre-nous ont observé sur le terrain: les effets collatéraux délétères sur la santé d'une gestion hospitalo-centriste, voire politique, de la propagation du virus.
Suite à la sortie de cette étude de l'University of Notre Dame en Indiana menée dans 15 000 centres d'hébergement pour aînés aux États-Unis (1), la démonstration devient évidente. Chez des personnes âgées, en centre d'hébergement, soumises à l'isolement, à l'arrêt des activités de groupe, à la limitation des visites et à l'arrêt des loisirs, les conséquences ont été, entre autres:
• Perte de poids
• Perte d'autonomie
• Perte cognitive
• Dépression
• Syndrome d'immobilisation
• Delirium
• Lésions de pression
• Diminution de l'accès aux services de santé
Dans une autre étude (1), ontarienne cette fois, on soulève 35% plus de décès chez les personnes en hébergement qui n'avaient pas de proche-aidant.
Si je caricature, je dirais que le déconditionnement de cette clientèle et la langueur qui nous affecte tous depuis ces derniers mois pourraient s'expliquer ainsi: le système nerveux autonome «tombe en dépression» lorsqu'il est en carence de ses besoins de relations affectives, du besoin de se sentir relié. C'est «la biologie du manque», la même que dans la petite enfance qui affecte nos gènes et le développement de nos différents systèmes dont le système immunitaire (2).
Ces effets collatéraux de la gestion de la pandémie coûteront ainsi très probablement plus cher financièrement et en dommages sur la santé dans les mois et années à venir que les dommages réels causés par le virus lui-même. Pouvons-nous extrapoler et penser que ces effets délétères se verront également sur les divers individus des populations les plus vulnérables (poupons, enfants, adolescents, célibataires, femmes violentées, entrepreneurs...)? Oui.
En réelle urgence, devant la menace, les mesures doivent être plus drastiques. Il y a feu dans la place, sortons; question de préserver l'intégrité physique. Après deux ans, toutefois, on doit recadrer les interventions et surtout questionner le système de santé. Considérons l'intégrité psychologique et mettons-la en relation avec le «terrain biologique», c'est un «must»! Il m'apparaît illogique et dangereux de continuer de gérer le niveau de risque sur la seule base de lits disponibles en centres hospitaliers.
Le problème actuel est à risque de demeurer dans la gestion de futures pandémies si la prévention et la reconnaissance des déterminants psychosociaux de la santé ne sont pas davantage réellement prises en compte dans une refonte du système. Savez-vous qu'actuellement le budget alloué à la prévention de la santé au Québec est de moins de 4% ?
Les facteurs psychosociaux affectent la biologie. On dirait que cela est encore tabou en 2022 de reconnaître le lien corps-esprit. On a peur de passer pour des «wirds» si on en parle ouvertement. Pourtant, les codes de déontologie des divers ordres professionnels de la santé (médecins, entre autres) insistent sur l'obligation de baser nos pratiques sur les données les plus à jour de la science. La psychoneuroendocrinoimmunologie est la science du lien entre le vécu psychologique, le système nerveux, le système hormonal et le système immunitaire (2). Cette discipline est étudiée depuis plus de 40 ans, ce n'est pas de l'ésotérisme! Pour reprendre les mots du député libéral fédéral Joël Lightbound, dénonçant la manière de gérer la crise par son parti: « Il n'y a pas de santé sans santé mentale».
Le développement de programmes de traitement de la COVID longue comportera aussi un beau défi dans l'application d'un modèle plus global. À mon avis, là encore, le réflexe sera de traiter et de contrôler les symptômes à la manière biomédicale plutôt que d'accompagner l'individu à prendre en charge sa santé. Des soins psychologiques devraient faire partie du plan de traitement non seulement pour gérer ses émotions et son stress, son vécu lié au défi de santé invalidant mais aussi pour mieux guérir, en stimulant ses ressources psychoneuroendocrinoimmunologiques, en explorant sa relation avec son corps, ses symptômes et les croyances limitatives à l'égard d'un rétablissement possible.
Un nouveau modèle de santé devra être plus global, intégratif, systémique et devra remettre le patient au centre du soin et des décisions à prendre. On doit sortir du modèle patriarcal (oui il y a des améliorations mais ce n'est pas suffisant) et faire confiance à la population, au patient, même le moins éduqué, quant à la gestion de sa santé et de ses responsabilités personnelles et sociales. Bien accompagner, ça prend un peu plus de temps mais c'est plus payant en bout de ligne!
L'approche de «la santé intégrative» (3) axant sur la prévention et combinant les meilleures pratiques de la médecine classique et des approches complémentaires s'inscrit dans cette perspective d'empowerment des individus. On la voit progressivement entrer dans le réseau de la santé mais le Québec accuse malheureusement un retard important comparativement au reste du Canada et de l'Europe notamment.
Pourrions-nous en 2022, au Québec, apprivoiser la mort, l'accepter comme faisant partie de la vie, l'éviter quand cela est possible, sans l'utopie du contrôle, tout en considérant la santé et la maladie dans une perspective plus large? Si la biologie du manque existe, l'inverse est aussi vrai!
Tony Fournier, M.A. Psychologue de la santé
Formateur, conférencier
Clinique Reliance
Membre de l'Ordre des psychologues du Québec
Membre de l'Association des psychologues du Québec
Membre de la Société québécoise d'hypnose
Membre de l'Association professionnelle pour la santé intégrative
(1) https://www.philippevoyer.org/blogue
(2) Quand le corps dit non, Maté,G. Editions de l'Homme, 2017.
(3) Suivre ce lien: cliniquereliance.com
J'ai le goût et l'élan d'écrire depuis quelques semaines, de dénoncer des aberrations moi aussi. Mais tout a-t-il été dit??? Nous sommes exténués, fatigués d'entendre parler de cette foutue pandémie. Allais-je en ajouter?
Avant d'écrire ce billet, j'attendais une première démonstration de ce que j'appréhendais et que plusieurs d'entre-nous ont observé sur le terrain: les effets collatéraux délétères sur la santé d'une gestion hospitalo-centriste, voire politique, de la propagation du virus.
Suite à la sortie de cette étude de l'University of Notre Dame en Indiana menée dans 15 000 centres d'hébergement pour aînés aux États-Unis (1), la démonstration devient évidente. Chez des personnes âgées, en centre d'hébergement, soumises à l'isolement, à l'arrêt des activités de groupe, à la limitation des visites et à l'arrêt des loisirs, les conséquences ont été, entre autres:
• Perte de poids
• Perte d'autonomie
• Perte cognitive
• Dépression
• Syndrome d'immobilisation
• Delirium
• Lésions de pression
• Diminution de l'accès aux services de santé
Dans une autre étude (1), ontarienne cette fois, on soulève 35% plus de décès chez les personnes en hébergement qui n'avaient pas de proche-aidant.
Si je caricature, je dirais que le déconditionnement de cette clientèle et la langueur qui nous affecte tous depuis ces derniers mois pourraient s'expliquer ainsi: le système nerveux autonome «tombe en dépression» lorsqu'il est en carence de ses besoins de relations affectives, du besoin de se sentir relié. C'est «la biologie du manque», la même que dans la petite enfance qui affecte nos gènes et le développement de nos différents systèmes dont le système immunitaire (2).
Ces effets collatéraux de la gestion de la pandémie coûteront ainsi très probablement plus cher financièrement et en dommages sur la santé dans les mois et années à venir que les dommages réels causés par le virus lui-même. Pouvons-nous extrapoler et penser que ces effets délétères se verront également sur les divers individus des populations les plus vulnérables (poupons, enfants, adolescents, célibataires, femmes violentées, entrepreneurs...)? Oui.
En réelle urgence, devant la menace, les mesures doivent être plus drastiques. Il y a feu dans la place, sortons; question de préserver l'intégrité physique. Après deux ans, toutefois, on doit recadrer les interventions et surtout questionner le système de santé. Considérons l'intégrité psychologique et mettons-la en relation avec le «terrain biologique», c'est un «must»! Il m'apparaît illogique et dangereux de continuer de gérer le niveau de risque sur la seule base de lits disponibles en centres hospitaliers.
Le problème actuel est à risque de demeurer dans la gestion de futures pandémies si la prévention et la reconnaissance des déterminants psychosociaux de la santé ne sont pas davantage réellement prises en compte dans une refonte du système. Savez-vous qu'actuellement le budget alloué à la prévention de la santé au Québec est de moins de 4% ?
Les facteurs psychosociaux affectent la biologie. On dirait que cela est encore tabou en 2022 de reconnaître le lien corps-esprit. On a peur de passer pour des «wirds» si on en parle ouvertement. Pourtant, les codes de déontologie des divers ordres professionnels de la santé (médecins, entre autres) insistent sur l'obligation de baser nos pratiques sur les données les plus à jour de la science. La psychoneuroendocrinoimmunologie est la science du lien entre le vécu psychologique, le système nerveux, le système hormonal et le système immunitaire (2). Cette discipline est étudiée depuis plus de 40 ans, ce n'est pas de l'ésotérisme! Pour reprendre les mots du député libéral fédéral Joël Lightbound, dénonçant la manière de gérer la crise par son parti: « Il n'y a pas de santé sans santé mentale».
Le développement de programmes de traitement de la COVID longue comportera aussi un beau défi dans l'application d'un modèle plus global. À mon avis, là encore, le réflexe sera de traiter et de contrôler les symptômes à la manière biomédicale plutôt que d'accompagner l'individu à prendre en charge sa santé. Des soins psychologiques devraient faire partie du plan de traitement non seulement pour gérer ses émotions et son stress, son vécu lié au défi de santé invalidant mais aussi pour mieux guérir, en stimulant ses ressources psychoneuroendocrinoimmunologiques, en explorant sa relation avec son corps, ses symptômes et les croyances limitatives à l'égard d'un rétablissement possible.
Un nouveau modèle de santé devra être plus global, intégratif, systémique et devra remettre le patient au centre du soin et des décisions à prendre. On doit sortir du modèle patriarcal (oui il y a des améliorations mais ce n'est pas suffisant) et faire confiance à la population, au patient, même le moins éduqué, quant à la gestion de sa santé et de ses responsabilités personnelles et sociales. Bien accompagner, ça prend un peu plus de temps mais c'est plus payant en bout de ligne!
L'approche de «la santé intégrative» (3) axant sur la prévention et combinant les meilleures pratiques de la médecine classique et des approches complémentaires s'inscrit dans cette perspective d'empowerment des individus. On la voit progressivement entrer dans le réseau de la santé mais le Québec accuse malheureusement un retard important comparativement au reste du Canada et de l'Europe notamment.
Pourrions-nous en 2022, au Québec, apprivoiser la mort, l'accepter comme faisant partie de la vie, l'éviter quand cela est possible, sans l'utopie du contrôle, tout en considérant la santé et la maladie dans une perspective plus large? Si la biologie du manque existe, l'inverse est aussi vrai!
Tony Fournier, M.A. Psychologue de la santé
Formateur, conférencier
Clinique Reliance
Membre de l'Ordre des psychologues du Québec
Membre de l'Association des psychologues du Québec
Membre de la Société québécoise d'hypnose
Membre de l'Association professionnelle pour la santé intégrative
(1) https://www.philippevoyer.org/blogue
(2) Quand le corps dit non, Maté,G. Editions de l'Homme, 2017.
(3) Suivre ce lien: cliniquereliance.com